Les dirigeants doivent gérer leur entreprise dans un environnement de plus en plus instable. Les crises ne sont plus seulement économiques, elles deviennent sanitaires, géopolitiques, climatiques. Après un krach boursier en 2008, une crise des dettes en 2010, économique en 2014, le monde a connu une pandémie en 2020 avec ses répercussions sur la supply chain.
En 2022, les entreprises espéraient vraiment le calme après la tempête, mais en fait, il semble que le monde soit devenu plus incertain que jamais ; guerre en Ukraine, crise de l’énergie, et des catastrophes naturelles de grande ampleur confirmant un dérèglement climatique. Le fait que ces événements majeurs semblent devenir plus fréquents et interconnectés inquiète les dirigeants qui accordent une place plus grande à la gestion des risques au sein de leur organisation, avec le sentiment que le changement devient la nouvelle normalité.
L'assurance reste un outil essentiel de transfert des risques, mais les dirigeants et directeurs financiers s'inquiètent du fait que le secteur de l'assurance ne les soutient pas suffisamment et ne leur fournit pas les produits financiers dont ils ont besoin, à un prix raisonnable.
Beaucoup d’entreprises n’ont vraiment pas apprécié le traitement subi ces dernières années. Depuis que le marché a commencé à se durcir en 2019, les directeurs financiers se plaignent que les assureurs ont cessé de se demander s'ils représentent un « bon » ou un « mauvais » risque et ont simplement imposé des augmentations de prix massives (50% à 100% dans certains cas, à périmètre de sinistralité constant), réduit la capacité, augmenté les franchises et introduit des exclusions de garantie drastiques.
Même si on comprend parfaitement la nécessité pour l'assurance d'être durable, il est difficile de ne pas se sentir lésé lorsque souscripteurs et courtiers transfèrent systématiquement des portefeuilles de risques à des sièges sociaux éloignés pour les décisions relatives à la tarification, la capacité ou le service.
Le marché de l'assurance des entreprises avait certes besoin d'une correction tarifaire, mais le peu de reconnaissance des efforts de gestion des risques ou de différenciation entre les entreprises qui sont partenaires de leurs assureurs, et celles plus opportunistes, a érodé la confiance dans les assureurs et les courtiers qui n’avaient pas suffisamment anticipé la hausse des cotisations.
Il est clair que les assureurs ont réussi à augmenter leurs tarifs au cours des deux dernières années et la plupart ont annoncé de meilleurs résultats. Cela signifie-t-il pour autant que l'adéquation des taux a été atteinte ?
C’est probablement le cas des entreprises ayant subi une hausse en 2021 et/ou 2022, mais les contrats pluriannuels arrivant à échéance au 1er janvier seront probablement augmentés en 2023, au moins de 15 à 20%.
Pour les autres entreprises, il semble que le pire du marché haussier soit passé et le mot d'ordre semble être "modération" en ce qui concerne les taux et la tarification. Il y a également plus de capacité et de concurrence sur le marché pour certaines affaires, et les assureurs ont repris un peu d’appétence pour le risque, la base de leur métier.
Mais d'un autre côté, les assureurs mentionnent un très grand nombre de risques difficiles à couvrir, comme le cyber, certaines activités en dommages et responsabilité civile, ou le risque politique. Les incertitudes continuent de peser sur les assureurs, comme la guerre en Ukraine et tous ses effets secondaires, les problèmes de supply chain en cours, et l'inflation croissante au niveau mondial, qui augmente le coût des indemnisations.
Cette assurance figure en tête de liste des risques pour lesquels les assureurs proposent des couvertures qui ne sont plus adaptées aux besoins des entreprises. Les tarifs ont encore grimpé en flèche cette année, la couverture s'est réduite avec une capacité moindre et des franchises plus élevées, tandis que les exclusions ont augmenté. Les conseils d'administration, qui s'intéressent plus que jamais à la gestion des risques et à l'assurance, se demandent maintenant si l'assurance peut réellement fournir les solutions dont ils ont besoin.
Quelques entreprises du CAC40 ont même résilié leurs contrats d’assurance, pour couvrir le risque dans leur captive ou via une mutuelle inter-entreprises en voie de création. A ces entreprises, le marché propose des franchises très élevées (5 à 25 M€) pour des garanties dépassant rarement ce niveau, ce qui ne correspond même pas à une journée de perte d’exploitation.
La situation du marché se stabilisera en fonction de la sinistralité, qui semble être plus raisonnable depuis le début de l’année. Il est toutefois un peu plus difficile de savoir dans quelle mesure la fréquence s'améliore.
En dommages comme en cyber, cette réaction des assureurs a eu pour effet d’accorder une plus grande importance aux bonnes pratiques de gestion des risques, comme la prévention, qui permet de réduire la sinistralité des entreprises et de rétablir les comptes des assureurs. Les conseils d'administration ont les mêmes préoccupations et investissent dans la cybersécurité en cherchant en particulier à détecter les problèmes à un stade plus précoce pour limiter les dégâts.
Les gestionnaires de risques gardent ainsi l'espoir que les risques bien gérés seront mieux traités lors des prochains renouvellements.
Plus globalement, les entreprises qui s’en sortiront le mieux à l'approche de leur renouvellement en 2023 sont celles qui savent communiquer avec le marché sur leurs risques et leur programme de prévention. Comme souvent, pour sortir d’une crise, on en revient aux fondamentaux…