L’ARENH, le garde-fou des bas prix de l’électricité en France, est menacé. Comprenons pourquoi.
La loi Nome - Nouvelle organisation du marché de l’électricité-, promulguée le 7 décembre 2010 afin de répondre aux enjeux de libéralisation du marché de l’électricité, a été accompagnée, en France, par la création d’un dispositif unique, l’ARENH, acronyme de Accès régulé à l’énergie nucléaire historique. Celui-ci impose à EDF, l’ancien monopole public producteur et fournisseur d’électricité, de faire bénéficier les fournisseurs alternatifs d’une partie de sa rente. Seul producteur d’énergie nucléaire en France, EDF jouit en effet d’une position dominante et profite de prix de vente plus compétitifs que ceux du marché de gros car l’électricité d’origine nucléaire a tout l’avantage d’avoir un coût de production nettement plus stable et presque toujours plus faible que celle issue de ressources fossiles (gaz, pétrole, charbon).C’est ce prix de l’ARENH, établi en 2012 par le gouvernement français à 42€ MWh jusqu’en 2025 qui est aujourd’hui au cœur des débats.·
Depuis plusieurs années, EDF se bat pour que l’ARENH soit revalorisé avant 2025 estimant que son prix, censé représenter le coût complet de production, ne suffit plus pour couvrir les coûts de maintenance, estimés à 100 milliards € par la Cour des Comptes, nécessaires pour prolonger la durée de vie des 50 centrales nucléaires du parc français et en améliorer la sûreté. Rappelons que le prix de l’ARENH n’a pas bougé depuis le 1er janvier 2012.· Concomitamment, on observe depuis quelques années que les fournisseurs alternatifs recourent massivement à l’ARENH, son prix étant bien plus compétitif que ceux du marché de gros dès que ces derniers s’envolent – compter pas moins de 60€ le MWh actuellement -. Ce faisant le quota de 100 TWh prévu par le dispositif à sa création, soit 25% de la production nucléaire française totale, est régulièrement dépassé de 30% à 40%. Et la pression perdure. En effet, le 30 novembre 2020, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) en charge du contrôle du partage des volumes d’électricité annonçait avoir reçu : « pour l’année 2021 un total de demande de 146,2 TWh d’électricité formulé par 81 fournisseurs ». Or depuis sa création le dispositif de l’ARENH prévoit en cas de dépassement du plafond de 100 TWh un principe de régulation appelé « écrêtement des volumes » qui invariablement est synonyme d’instabilité et de hausse des prix de l’électricité pour les clients finaux. En effet, l’ensemble des fournisseurs sont contraints, à hauteur de leur dépassement de l’année N-1, de s’approvisionner sur le marché de gros, par nature volatile, les prix fluctuant au gré du cours du pétrole notamment. Et s’ils achètent alors au-dessus du prix de l’ARENH, ils ont tendance à répercuter cette hausse à leurs clients...parfois de façon rétroactive comme leurs CGV les y autorisent. Le dispositif ne répond donc plus que partiellement à ses objectifs initiaux.·
Les craintes d’une augmentation de l’ARENH avant son échéance sont aussi alimentées par le projet New EDF (ex Hercule) qui vise à restructurer EDF en dissociant la production du commerce, faisant de cette dernière activité une entreprise concurrente des autres distributeurs du marché. La contrepartie envisagée par l’État et proposée aux syndicats pour cette transformation inédite serait une augmentation du prix de l’ARENH, gage de profitabilité de l’activité production et donc de sa pérennité.· De plus, l’Europe, considérant depuis toujours l’ARENH comme étant un dispositif français de concurrence déloyale, en souhaite purement et simplement la disparition.Tout concorde ainsi pour un accroissement de l’ARENH ou pire encore, sa pure et simple disparition. Quels seront les impacts sur les prix attribués aux clients finaux ? Nul doute qu’ils augmenteront.Aussi, pour maîtriser son budget électricité dans ce contexte de marché très incertain, il nous semble urgent de s’intéresser à deux leviers ; mettre en place des processus de réduction de la consommation d’électricité car l’énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas. Et envisager de se doter de solutions d’autoproduction d’électricité.